Voyager en Iran à vélo a été très intense ! C’est un de ces voyages qui vous fait aller à la rencontre d’une civilisation à la richesse infinie, mystérieuse et fascinante, au cœur de la grandeur passée de l’empire perse. Nous découvrons un pays développé, des routes en bon état, l’eau potable quasiment partout, aucun problème significatif. Les gens vous lancent des « hello mister » et « welcome to iran » dix fois par jour.
Il a tout d’abord fallu s’habituer au port du foulard, aux manches longues et aux jambes couvertes, assez contraignant surtout quand on voyage à vélo, mais ayant toutefois l’avantage de protéger du soleil. Les automobilistes quand à eux conduisent comme des tarés, surtout en ville. L’ouverture de ce pays longtemps fermé attire de plus en plus de touristes. Mais la république islamique continue de maintenir une main de fer sur son peuple qui croule sous les interdictions.
Un jour Farzad, notre hôte à Téhéran, nous a dit : « la seule chose que l’on puisse faire ici, c’est respirer ! ». Lui rêve de partir vivre en Allemagne. Toutefois des festivals clandestins et des fêtes privées sont discrètement organisés par une jeunesse en soif de liberté. Car en Iran, tout est possible, comme se procurer de l’alcool par exemple via des contacts sur les réseaux sociaux. La population iranienne est jeune, 60% ont moins de 30ans, et une grande majorité d’iraniens n’aime pas du tout le pouvoir en place.
Ici tout se monnaye plus qu’ailleurs. Tout les lieux à visiter (mosquées, jardins, palais, etc.) ont un prix pour iranien et un prix pour touriste, deux à dix fois plus cher. La situation monétaire actuelle du pays se dégrade fortement, le rial iranien ne fait que perdre de sa valeur et ne vaut plus grand chose. Il y a donc un taux de change officiel, sur internet, et un taux de change qui s’applique dans la rue ou certains bureaux de change et qui est deux fois supérieur, donc attention à ne pas se faire avoir !
Pour information, pendant notre séjour, 1 euro vaut 9 000 toman (90 000 Rials) et 1$ US vaut 8 000 toman. Ici les gens parlent en toman, l’ancienne monnaie, et non en rial. Un bon endroit pour changer est la place Ferdowsi à Téhéran, à la sortie du métro. Il faut faire attention aux faux billets. Il est aussi possible de faire du change un peu partout dans le pays.
Nous tombons dés le premier jour sur un cycliste coréen qui voyage à vélo en Iran depuis presque trois mois avec qui nous discutons un peu et qui nous indique un parc où camper gratuitement cette nuit. Nous reprenons la route et le soir commence à pointer le bout de son nez. Nous sommes pressés d’arriver avant que la nuit tombe. Mais peine perdue, en s’arrêtant faire quelques courses, les gens viennent nous parler, curieux de savoir d’où l’on vient.
Puis un des commerçants nous demande si nous avons un hôtel pour cette nuit. Nous lui expliquons que nous comptons dormir dons notre tente. Il insiste alors en nous répondant « non, hôtel, hôtel » ! Nous lui répondons de nouveau « non, tente » et ce petit jeu dure quelques minutes car le commerçant ne lâche rien et va chercher son téléphone pour nous trouver un hôtel. Agacés, nous décidons de partir ayant perdu assez de temps, surtout que la nuit est cette fois-ci bel et bien tombée.
Arrivés devant l’entrée du parc, au terme de cette journée épuisante, après encore quelques minutes de discussions inutile, on nous demande de l’argent pour camper. Fatigués et n’ayant plus la force de discuter, nous nous en allons quelques mètres plus loin poser campement et pouvoir enfin dormir !
Tout au long de notre voyage, nous vivrons de nombreuses fois la situation où des iraniens veulent absolument nous aider sans nous en laisser le choix et au final rendent les choses un peu plus compliquées. Nous avons bien évidemment entendu parler de la « légendaire hospitalité » des iraniens. Mais il y a une chose qu’on a mis du temps à comprendre, c’est la notion de « taarof ». Les iraniens disent souvent des choses qu’ils ne pensent pas. Par exemple, vous inviter chez eux s’avére souvent n’être en fait qu’une formule de politesse.
Comme nous n’avons qu’un mois de visa dans le pays, qu’il y a des centaines de km de désert à parcourir et que les températures atteignent les 40°en cette saison, nous avons vite pris la décision de faire du stop. Rien de plus facile ici, les camionnettes s’arrêtent immédiatement et nous prennent sans hésiter même avec nos vélos.
C’est comme ça que nous rencontrons Nasrine et Mansor, qui nous installent pendant 250km à l’arrière de leur camionnette et qui nous invitent à venir chez eux, à Téhéran. Chez Mansor, Nasrine et leurs trois enfants, on nous propose constamment thé, fruits, chocolats et nourriture. Ils refusent que l’on fasse ou paye quoique ce soit. Ils nous installent dans la chambre et eux dorment ensemble dans le salon. Après le petit-déjeuner, Mansor nous attend pour nous emmener visiter en voiture les principales attractions touristiques de la ville que nous avons évoqué, en insistant toutes les deux minutes pour nous prendre en photo.
La gentillesse et l’hospitalité de cette famille nous ont semblé vraiment sincère et désintéressée. Au troisième matin pourtant, quand à peine réveiller, Mansor déjà prêt à sortir nous attend de nouveau et insiste pour nous emmener avec lui, on commence à se sentir agacer. Il nous fait comprendre que nous reprenons la route à vélo cette après-midi. Pourquoi a-t-il décidé que nous partions aujourd’hui sans nous poser la question ? Pourquoi sa femme et ses enfants sont-ils toujours à la maison et lui à nous trimbaler dans toute la ville ? Pourquoi devons-nous dés le matin, aller avec lui où il l’a décidé ?
Eh bien quelle n’a pas été notre grande surprise quand ils nous demandent gentiment de leur payer 200$ pour notre séjour chez eux, les trajets effectués et les nombreuses visites. On se dit « mon dieu, ces gens là on vu la vierge ! Ou plutôt, l’ayatollah » (ayatollah = titre le plus élevé dans la hiérarchie chiite, considéré comme expert de l’islam). Nous avons droit au : « il n’y a rien sans argent dans le monde, je vous ai conduit partout, sans moi vous auriez dormi dehors » ou encore « si pas d’argent, plus d’amitié », etc.…Bien entendu, nous refusons de payer ce qu’il nous demande et plions vite bagage quand nous comprenons que finalement ils n’en veulent qu’à notre argent. Malheureusement, cette malencontreuse expérience nous laisse un goût très amer et nous devenons dés lors très méfiant envers tous les iraniens.
Nous décidons donc d’utiliser principalement les sites Couchsurfing et Warmshower (des sites plus fiables pour contacter des locaux qui vous hébergent chez eux). Après notre mésaventure, nous trouvons refuge chez Farzad, un jeune étudiant très sympathique. Il accueille aussi Vincent, un hollandais de 23 ans qui voyage en stop. Vincent nous conseille avant de monter dans un véhicule, de dire trois fois au chauffeur « Madjani », ce qui signifie « gratuitement» afin d’éviter toute mauvaise surprise.
Nous souhaitons ensuite acheter une puce téléphonique pour avoir internet, car trouver du Wifi dans le pays est compliqué, mais en tant qu’étranger, cela semble difficile (nous n’avons pas pu nous en procurer une avec nos passeports en tant qu’étranger). Farzad nous aide sans hésiter et ouvre une puce à son nom. Il est aussi important d’installer sur son téléphone ou son ordinateur ce qu’on appelle un VPN pour pouvoir surfer sur le net sans difficulté, autrement la plupart des sites et réseaux sociaux sont bloqués.
Nous ne sommes pas fans du tout de Téhéran, très polluée et dense. Nous descendons donc vers le sud et nous commençons à apprécier la beauté et la splendeur du pays. Nous comptions nous arrêter à Qom, deuxième ville sainte la plus fréquentée du pays. Le sanctuaire de Fatima Masoumeh, sœur de l’un des douze imams reconnus par les chiites comme successeurs du prophète Mahomet, s’y trouve. Mais tout le monde nous l’a déconseillé, la ville étant beaucoup trop religieuse. Nous décidons donc d’aller directement à Kashan, une petite ville au grand charme. Mais même à Kashan, nos hôtes sont un peu « spéciaux » et nous parlent même de « mariage blanc » pour pouvoir aller en Europe.
Côté gastronomie, il est difficile de varier les plaisir, les kabab (brochettes de viande) accompagnés de riz jauni au safran semblent être le seul repas que nous pouvons trouver. Côté architecture et paysage, l’Iran est une vraie merveille. Les mosquées bleues turquoises aux décorations géométriques et aux mosaïques minutieusement détaillées sont grandioses. Elles sont surplombées d’un dôme majestueux et possèdent une immense cour et deux minarets.
A Ispahan nous passons un excellent moment chez Maha. La ville est très agréable et une de nos préférées en Iran. Il y a des pistes cyclables et pas mal de gens qui se déplacent à vélo, une grande première !
Mais à Isfahan, la rivière qui l’arrosait ne coule plus. Cette rivière qui a fait de la ville une oasis au milieu du désert, a été détournée vers la région centrale de Yazd, sur la volonté de certains gouverneurs. Aujourd’hui, les habitants contemplent avec tristesse, sous les célèbres ponts d’Isfahan, le lit d’une rivière vide.
Nous faisons ensuite une halte au désert de Varzaneh, admirer le coucher de soleil sur les dunes de sable.
Nous nous rendons ensuite dans la ville de Yazd. Située entre deux déserts, cette ville est le centre du Zoroastrisme, la religion officielle de l’empire perse avant l’arrivée de l’islam au VIIe siècle (avant la conquête arabo-musulmane). De 14h à 18h, quand la température dépasse les 40°, tout est fermé et les rues de la ville sont désertes.
A Yazd nous sommes séduits par les maisons en pisé (terre battue insérée dans un coffrage) et les bâdgirs (« tours du vent ») qui dominent toute la ville. Les bâdgirs ou « tours du vent » sont une invention iranienne utilisée depuis des siècles pour ventiler naturellement les maisons et rafraîchir la pièce à vivre. Nous séjournons chez Rahim, formidable hôte, qui nous emmène dîner avec ses amis et visiter les alentours de la ville.
Nous voyageons désormais principalement en bus (les bus en Iran offrent un service de qualité mais il faut toujours négocier le prix des vélos avec le chauffeur). Les paysages d’une ville à une autre sont désertiques écrasés de soleil, sans aucun arbre à des kilomètres à la ronde. Il fait sec et très chaud !
Plutôt que la palme de l’hospitalité, c’est la palme du « pique-nique en tout lieu » que nous leur donnerions. Les iraniens adorent être dehors et pique-niquer ! Dés que le soleil commence à se coucher, les fameux tapis persans pointent le bout de leur nez et sont étalés par terre sur l’herbe ou le pavé dans des endroits souvent très surprenants tels qu’un rond point au milieu d’un carrefour, le bord de la route, dans une station service ou sur le trottoir. Petit à petit, la soirée se remplit de l’atmosphère chaleureuse des femmes, des hommes et des enfants qui dehors assis sur leur tapis mangent, dorment, discutent ou boivent le thé.
Nous continuons de descendre en bus jusqu’à la ville de Shiraz, où nous sommes hébergés en Couchsurfing par Reza et son frère.
En rentrant le deuxième soir chez nos hôtes, après avoir vu la finale de la coupe de monde dans un café avec un groupe de supporters français, nous nous rendons compte que 100$ ont disparu de notre porte-monnaie. Nous sommes dépités, écœurés et aucun des deux frères ne bougent le petit doigts pour nous aider. Exaspérés et le moral à zéro, nous nous couchons persuadés qu’un d’entre eux nous a volé et que nous ne reverrons jamais notre argent. Quand nous commencions à enfin profiter, nous sommes rappelés à la dure réalité qu’ici il faut être très méfiant.
Nous nous changeons les idées en allant visiter Persépolis, l’un des plus grands et des plus importants sites archéologiques au monde. Vestige d’une des plus anciennes civilisations de la planète, Persépolis fut fondée en 518 av. J.-C. par Darius Ier, roi de l’empire perse achéménide, où il avait fait construire un splendide palais aux proportions imposantes. Ce site archéologique unique est un des plus impressionnants que nous ayons visité avec ses colonnes élancées et ses murs couverts de frises sculptées qui fournissent un aperçu des croyances des Perses anciens.
Pour Persépolis, plutôt que de payer le prix fort, nous décidons d’aller sur la route à la sortie de la ville et de trouver un taxi collectif (nous payons 150 000 rials). Au retour, nous trouvons un taxi à la sortie du site pour 250 000 rials.
Nous remontons jusqu’en bus à Téhéran, pour pouvoir prendre l’avion qui nous ramènera chez nous, en France. Voilà, l’Iran est donc un pays qui recèle de joyaux architecturaux, de villes sublimes où les dômes majestueux des mosquées colorent le paysage et où se promener dans les ruelles étroites et sous les arcs voutés des bazars vous dépayse totalement. Mais avec un manque d’eau de plus en plus flagrant et une économie fragile, dans un pays où le régime des Mollahs emprisonne le peuple au nom d’une idéologie religieuse extrême, l’avenir de l’Iran semble incertain.
Nous sommes heureux de rentrer chez nous, en France, retrouver nos proches qui nous ont beaucoup manqué, après 11 mois à vélo, 11 500 km parcourus de Nantes à Téhéran ! Un voyage fantastique, enrichissant qui nous a prouvé à quel point le monde est merveilleux et les gens bienveillants ! Une aventure inoubliable faite de partage, de solidarité et d’entraide qui montre que partout où vous allez, nous parlons tous la même langue, celle de l’humanité !
La vie est une aventure !
A bientôt !
Magnifique voyage les amis, superbes recits et photos, merci de les avoir partages !!!
Bon retour a vous, on est tres heureux d’avoir croise votre route, tres brievement mais peut-etre se reverra-t-on un jour, sur les velos ou non, Inch’Allah !
De notre cote, nous sommes en Albanie, retour prevu dans un mois…aie aie aie
Bye, Camille & Loic